Depuis le début de son mandat, le Secrétaire d’État à l’asile et la migration, Theo Francken, suit méthodiquement la ligne de l’accord de gouvernement, tout en y ajoutant sa touche personnelle. Les mesures prises interpellent. Les termes employés, les raccourcis et la symbolique qu’ils véhiculent aussi. En occupant l’espace médiatique comme il le fait, le Secrétaire d’État à l’asile et à la migration contribue à instaurer un climat de suspicion à l’égard des étrangers. Une carte blanche parue dans les éditions numériques du Soir ce jeudi 26 mars.
En matière d’asile et de migration, l’accord du nouveau gouvernement donne le ton. Le texte insiste fortement sur l’image du “migrant abuseur” – quand il n’est pas considéré comme criminel. Un migrant qu’il faut contenir, empêcher d’arriver chez nous et contrôler de près pour pouvoir le renvoyer au plus vite. L’accord laisse transparaître une volonté de fermeture et de restriction des droits des étrangers. Dans les mesures prévues, on distingue clairement la poursuite de la politique du gouvernement précédent: procédures accélérées, lutte contre les abus comme préoccupation centrale, liste (étendue) des pays d’origine “sûrs”, campagnes dans certains pays pour dissuader les demandeurs d’asile de venir en Belgique ou encore extension des centres fermés.
Depuis le début de son mandat, le Secrétaire d’État à l’asile et la migration, Theo Francken, suit méthodiquement la ligne de l’accord de gouvernement, tout en y ajoutant sa touche personnelle. Il annonce ses priorités : protéger les plus vulnérables (les mineurs étrangers non-accompagnés, les “vrais” réfugiés), expulser les “illégaux criminels”.
Ce qui frappe, ce sont les termes employés, les raccourcis et leur symbolique. Cela a l’air simple: d’un côté, il y aurait les bons migrants (les jeunes, les personnes qui obtiennent un statut de protection, ceux qui travaillent légalement en Belgique) et de l’autre, les mauvais (ceux dont la demande d’asile a été refusée, les sans-papiers). Ceux-là sont “illégaux”. Peu importe qu’ils aient été obligés de tout quitter dans leur pays d’origine pour trouver un avenir meilleur. Qu’ils aient mis leur vie en danger en tentant d’arriver en Europe. Qu’ils travaillent parfois depuis des années chez nous, dans des conditions déplorables, pour faire ce que les Belges ne veulent plus faire. Ceux-là ne rentrent pas dans la catégorie des “vulnérables”, mais bien dans celle des “fraudeurs” et des “criminels”. Cette vision clivée qui véhicule une image négative et alimente les amalgames est dangereuse pour les fondements démocratiques de notre société et pour les migrants. Systématiquement criminalisés, c’est leur dignité qui est touchée.
Au-delà des mots, le Secrétaire d’État passe à la vitesse supérieure sur le plan répressif. Il compte rapidement augmenter le nombre de places en centres fermés. Et laisse planer la possibilité de détenir les familles, ce qui a déjà par le passé été clairement condamné pour la Cour européenne des droits de l’Homme. Il veut organiser davantage de “vols spéciaux”, à savoir des expulsions par avions spécifiquement affrétés pour renvoyer dans leur pays d’origine des migrants d’une même nationalité, à l’abri de tout contrôle démocratique. Il fait payer une redevance aux étrangers qui font valoir leur droit à vivre en famille. Il multiplie les missions de dissuasion pour empêcher certaines nationalités de venir chez nous, et ce, au mépris du droit d’asile.
Une vision positive et ouverte sur les migrations
Mais que fait le Secrétaire d’État sur le plan de la protection et du respect des droits ? Il confirme la réinstallation de 225 réfugiés syriens en Belgique en 2015. Une goutte d’eau quand on sait que près de 4 millions de personnes ont fui la Syrie et que la plupart ont été accueillis dans les pays limitrophes des zones de conflit. Il annonce une protection particulière pour les mineurs mais ne dit pas quelles seront les mesures concrètes qui seront prises à ce sujet. Il souhaite faire venir des étrangers, sélectionnés pour travailler. Mais il refuse – alors qu’il en a la possibilité – de régulariser des sans-papiers qui sont déjà en Belgique et qui ne demandent qu’à travailler…
Le Secrétaire d’État le sait bien, l’ampleur des conflits et des inégalités dans le monde entraîne – et entraînera encore à l’avenir – l’exil de nombreux migrants. Il faut l’admettre, et l’anticiper en développant des possibilités d’entrée et de séjour réalistes et dignes, qui respectent les obligations internationales de la Belgique. Theo Francken ne découvre pourtant pas cette problématique. Or, il est clair qu’en occupant l’espace médiatique quasi quotidiennement de cette façon, il contribue à instaurer un climat de suspicion à l’égard des étrangers. Dans le contexte actuel, notre société n’a pas besoin d’un discours qui joue sur les sensibilités sécuritaires et contre-productives. Mais plutôt d’une vision positive et ouverte des migrations, qui tienne compte des réalités.
Signataires:
Malou Gay et Caroline Intrand, co-directrices du CIRÉ