Parmi les défis qu’il est nécessaire de rappeler à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le combat des femmes migrantes victimes de violences conjugales ou intrafamiliales est une cause emblématique de la lutte menée par et pour les femmes au nom de l’égalité et de la justice. Une carte blanche parue dans Le Soir du 7 mars 2015.
La violence conjugale ou intrafamiliale peut se produire dans n’importe quelle famille et sous diverses formes (physique, psychologique, administrative, financière, sexuelle). Elle est indépendante de l’âge, de l’origine, de la culture ou de l’appartenance sociale. Elle touche principalement les femmes. Les outils de lutte contre les violences faites aux femmes s’appliquent à toutes les femmes quels que soient leur origine ou leur titre de séjour.
Les femmes migrantes ne sont pas plus victimes que les autres de violences conjugales mais elles rencontrent des difficultés spécifiques qui les empêchent souvent de bénéficier des mesures de protection prévues par la loi: l’isolement dû à l’absence de réseau familial ou social en Belgique, la dépendance administrative et parfois financière ou linguistique à l’égard du conjoint, la peur de s’adresser aux autorités dans un contexte de suspicion à l’égard des migrants.
Si la législation belge sur le séjour des étrangers prévoit un dispositif qui permet à ces victimes de demander le maintien de leur droit de séjour en cas de séparation d’avec leur partenaire, ces dispositions sont souvent mal connues, pas toujours correctement appliquées et les obstacles à la mise en œuvre de celles-ci restent nombreux. Les lacunes dans la protection et le traitement de ces situations sont de véritables entraves à la pleine autonomisation de ces femmes. Pour les femmes en séjour précaire ou sans-papier, la peur et le risque d’expulsion représentent un obstacle majeur à leur protection.
Si la législation belge sur le séjour des étrangers prévoit un dispositif qui permet à ces victimes de demander le maintien de leur droit de séjour en cas de séparation d’avec leur partenaire, ces dispositions sont souvent mal connues, pas toujours correctement appliquées et les obstacles à la mise en œuvre de celles-ci restent nombreux.
Afin que les femmes migrantes victimes de violences conjugales puissent être efficacement protégées et ne se retrouvent plus victimes de cette « double violence », le cadre juridique doit être renforcé et un travail de sensibilisation et d’information des victimes et des acteurs de terrain doit être mené conjointement par les autorités et les professionnels impliqués.
Les droits des victimes doivent également être mieux protégés. A cet égard, la Belgique est invitée à transposer avant novembre 2015 la nouvelle directive européenne établissant des normes minimales en matière de droits, de soutien et de protection des victimes de la criminalité, texte qui vise notamment à garantir que les victimes jouissent de ces droits minimaux sans discrimination et indépendamment de leur nationalité ou de leur pays de résidence.
Enfin, plus généralement, il nous semble indispensable d’évaluer les changements législatifs intervenus ces dernières années en matière de regroupement familial (et notamment la dépendance administrative toujours plus longue entre conjoints, propice à la violence conjugale) et les objectifs de lutte contre les abus qui ont été fixés, instaurant une suspicion constante sur les mariages mixtes et favorisant les situations de chantage aux papiers.
En Belgique, le combat contre la double violence est mené depuis un peu plus de deux ans par le collectif ESPER (Epouses Sans-Papiers En Résistance). Ces femmes d’origine étrangère se sont réunies pour dénoncer la double violence qu’elles subissent: celle de leur conjoint et celle d’un État qui va jusqu’à les priver de titre de séjour si elles décident de fuir le domicile conjugale.
En soutien à ce collectif de femmes, une plateforme associative1 s’est constituée et en appelle à la mobilisation de tous les acteurs qui souhaitent participer aux travaux d’ESPER afin de renforcer la mobilisation autour de ces femmes et faire avancer la lutte pour l’égalité des droits des femmes.
Notre combat avec ESPER s’inscrit parfaitement dans l’esprit de la journée mondiale du 8 mars qui dépasse les frontières nationales et rend hommage aux femmes déterminées à dénoncer la violation des droits humains et à faire valoir leurs droits qu’importe le lieu, l’origine, l’appartenance sociale, la religion, l’âge ou la situation de séjour.