Ce mercredi 30 novembre 2016, le Secrétaire d’État à l’asile et à la migration présentera sa note de politique générale à la Chambre. Une version “améliorée” de sa politique actuelle, en pire: davantage de mesures restrictives avec, en toile de fond, un discours stigmatisant envers les migrants.
La Commission de l’Intérieur de la Chambre se penchera ce mercredi sur la note de politique générale du Secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Theo Francken. Pas de nouveautés dans la philosophie générale de cette politique mais des mesures qui détricotent patiemment les droits et la dignité des personnes migrantes. Si l’esprit général continue de nous heurter, certaines mesures sont particulièrement inquiétantes. Elles insufflent un degré supplémentaire de stigmatisation des personnes migrantes et distillent une vision selon laquelle l’immigration serait illégitime: les migrants profiteraient de notre système et abuseraient de notre hospitalité – voire mettraient à mal la sécurité – et il faudrait s’en protéger. De quoi attiser les peurs et renforcer les préjugés, ce qui, à l’heure actuelle, est exactement ce dont nous n’avons pas besoin.
Première mesure phare déjà adoptée, “dans le souci de pouvoir vivre ensemble en paix et en toute sécurité”, la Belgique conditionne désormais le séjour des étrangers à une déclaration d’intégration. Une façon de faire passer un message clair: l’étranger ne voudrait pas s’intégrer, voire serait une menace pour la sécurité. L’adoption de cette déclaration permet de conditionner la délivrance, le retrait ou le renouvellement d’un titre de séjour à une appréciation souveraine d’éléments d’intégration non définissables par essence. Cela revient à ajouter une forte insécurité juridique et à renforcer la précarisation du séjour des étrangers, et donc de leur intégration…
Ce qui doit d’urgence être réformé, en revanche, ne l’est pas du tout : malgré l’important rapport du Médiateur fédéral sur les dysfonctionnements en matière de régularisation médicale et les alertes répétées des ONG – pointant les situations dramatiques dans lesquelles peuvent se retrouver les étrangers gravement malades souvent renvoyés dans des pays où ils ne peuvent avoir accès à un traitement médical -, rien n’est prévu.
L’assistance à personne en danger n’est pas prioritaire. Le gouvernement se félicite des mesures prises pour stopper les arrivées de réfugiés, c’est-à-dire de personnes en danger, qui meurent sous les bombes ou aux mains de tortionnaires dans leurs pays d’origine, croupissent dans des camps en Turquie où ils ne sont pas en sécurité, en Grèce où ils se retrouvent dans un dénuement extrême… Il faut une dose de cynisme avancée pour se féliciter des mesures anti-migrants contraires au droit international prises récemment par l’Union européenne. Ceci est tout simplement contraire à nos valeurs fondamentales. Le Secrétaire d’État entend même renforcer les renvois “Dublin” et reprendre les transferts vers la Grèce d’où il a lui-même fait revenir ses experts… pour des raisons de sécurité ! Pas un mot en revanche des relocalisations pourtant très peu importantes auxquelles la Belgique s’est engagée au niveau européen, au moment où la fermeture de places d’accueil reste la priorité.
Cette politique qui vise à empêcher les migrants et les réfugiés d’atteindre la Belgique est complétée par une indécente focalisation sur la détention et l’expulsion. En principe, le dispositif de détention administrative devrait demeurer l’exception tant il est attentatoire aux libertés individuelles. Au contraire, il est voué à être un outil de gestion des migrations, avec une intention d’en faire un dispositif “performant” en renforçant les moyens financiers mis à sa disposition: faciliter les arrestations à domicile au risque de ne plus respecter le principe d’inviolabilité du domicile, augmenter la capacité des centres fermés, la durée de détention, construire des logements fermés pour les familles, rapatrier davantage de migrants, surtout ceux que l’on a décidé d’appeler des “criminels”… Au risque de semer le doute dans l’esprit de chacun entre un migrant, un sans-papiers, un petit délinquant, un véritable criminel… Au mépris de la dignité des personnes, hommes, femmes, enfants qui n’ont commis d’autre crime que celui de ne pas avoir de papiers. Au mépris des principes qui prévalent à de meilleures chances d’intégration et à la cohésion sociale.
Il est temps de réagir, ne pas laisser une vision contraire aux valeurs d’humanité se mettre en place sans qu’aucune voix ne s’élève. Car nous serons alors tous responsables.